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Par Jacques de Panisse, Gérant 



Le président de la banque centrale américaine a déclaré qu’il ne semblait plus nécessaire de remonter les taux directeurs pour contenir le risque inflationniste. Les taux longs ont aussitôt rebaissé, entraînant un rebond des marchés d’actions.

On peut se demander pourquoi Jerome Powell, qui avait constaté au début de son discours la vigueur de l’économie, a opté pour un arrêt de la hausse des taux.

Croit-il que l’inflation va nécessairement poursuivre son mouvement de baisse initié depuis plusieurs mois ? Craint-il qu’en relevant encore le coût du crédit, l’activité finisse par s’essouffler laissant à la banque centrale la responsabilité du déclenchement d’une récession en pleine année électorale ? Pense-t-il que la neutralité imposée à la banque centrale en 2024 nécessite de lancer une initiative majeure avant la fin de l’année en cours ? Souhaite-t-il contrer l’ambiance propice à la hausse des taux d’intérêt du fait d’un déficit budgétaire considérable (7 % du PIB) et d’un courant vendeur impulsé par la réduction du bilan de la Fed ? Plus simplement, estime-t-il que l’outil des taux s’avère assez peu performant lorsqu’il s’agit de freiner une inflation principalement stimulée par les prix de l’énergie ?

Il est difficile de connaître la véritable motivation de Jerome Powell. Il faut admettre que ses explications ont été un peu contradictoires et qu’il n’est pas impensable qu’il fasse preuve d’un relatif excès de confiance dans la conjoncture à venir.

 

Le récent sursaut des marchés financiers mérite une certaine circonspection. En effet, la séance de hausse du 2 novembre a été le reflet de positions vendeuses qui, à l’annonce de Jerome Powell, ont été immédiatement soldées, tant sur les taux que sur les actions, nourrissant ainsi un fort volume acheteur. Le comportement des investisseurs dans les semaines à venir sera révélateur d’une tendance plus significative dont il est délicat d’anticiper pour l’instant l’orientation.

Les statistiques communiquées le 3 novembre viennent conforter le bien-fondé de la décision de la Fed. Les créations de poste dans le privé baissent, le taux de chômage se redresse, la hausse des salaires s’essouffle. Les prémices d’un ralentissement excluent une nouvelle hausse des taux d’intérêt.

 

Ainsi, pour un investisseur, le risque de taux s’estompe fortement. Dès lors, la rémunération offerte par les obligations et le crédit peut attirer une part croissante de la liquidité. En revanche, la possible dégradation des résultats des sociétés dans un contexte de ralentissement économique peut réduire l’attrait des actions.

En réalité, la nouvelle situation qui semble se mettre en place va favoriser certains profils. Les actions peu sensibles au cycle économique, les secteurs qui s’appuient sur l’emprunt, mais aussi les entreprises pénalisées depuis de nombreux mois par un endettement excessif, enfin les belles sociétés de croissancequi vont bénéficier d’une revalorisation certaine, du fait de la baisse des taux longs. Cette dernière catégorie semble particulièrement bien placée pour progresser dans la durée.

 

Cependant plusieurs éléments conduisent à tempérer l’enthousiasme récent. Les statistiques de la fin de semaine passée sont moins décisives qu’elles n’y paraissent. La hausse des prix demeure très dépendante du coût de l’énergie, or cette variable n’est pas maîtrisable. Les effets de base vont être moins favorables dans les mois qui viennent. Le ralentissement est marqué en Europe mais certains indices révèlent une dégradation rapide aux États-Unis que Wall Street, pour l’instant, refuse d’envisager. Si cette option se confirmait, la réaction serait à la hauteur de la déception. Ainsi, une légère reprise de l’inflation, accompagnée d’une inflexion notable de la croissance, pourrait compliquer les mois à venir.

 

Si la saine hésitation qui résulte de ce constat peut réveiller une forme de prudence attentive, il semble clair que les sociétés de croissance seront sans doute plus rares à maintenir leur statut dans le futur mais devraient bénéficier d’un traitement d’autant plus favorable sur les Bourses mondiales.