- Auteur : MJ & Cie Date : 21/06/2024 Lecture : 1min.
Nous avons assisté à la seconde plus grosse faillite bancaire aux Etats-Unis après Washington Mutual en septembre 2008. Que s’est-il passé ? Quelles implications pour nos investissements ? Y a-t-il un risque de contagion ? Peut-on assister à ce type de déroute en Europe pour les banques ou les assureurs ? Quelle est notre position sur les marchés financiers ? Nous vous invitons à prendre connaissance de notre analyse sur cet évènement important de marché et restons à votre disposition si vous avez des questions.
Gregory Becker, Directeur Général de la banque SVB disait le 1er mars lors d’une conférence à Los Angeles : « We pride ourselves on being the best financial partner in the most challenging times » (Nous sommes si fiers d’être le meilleur partenaire financier dans les périodes les plus compliquées.»). La Banque était élue le lendemain « Banque de l’Année » à un gala londonien… Une semaine après, la banque fait faillite. Comme quoi les récompenses ne gagent pas des résultats…actuels.
La Silicon Valley Bank (SVB), comme son nom l’indique, avait des clients majoritairement acteurs du capital risque dans le secteur technologique (fonds de capital risque et start-ups).
La mise sous administration judiciaire vendredi auprès de la Federal Deposit Insurance Corp. (FDIC) est intervenue après 44 heures de tentatives de retraits massifs de ses clients. Que s’est-il passé ?
Il faut remonter à la pandémie pour comprendre le chemin parcouru.
Les sociétés soutenues par des fonds de capital risque américain ont levé $330 milliards en 2021 – soit le double du record de l’année précédente. Ainsi SVB, spécialisée sur ce type de clients, a enregistré des dizaines de milliards de nouveaux dépôts de ses clients. Confiante que les taux d’intérêt resteraient stables, elle a investi ces liquidités dans des obligations de long terme.
Avec la remontée des taux, la valeur de ces obligations a chuté et alors que ses clients tentaient de retirer leurs fonds (incités par leurs fonds actionnaires alertés par un rapport de la FDIC et par l’échec de levée de la SVB pour renforcer ses fonds propres avant d’annoncer ses moins-values latentes publiquement sur les obligations), la SVB s’est retrouvée obligée de vendre ces obligations avec des fortes moins-values et n’a pas été en mesure de répondre à ces retraits massifs ($42 milliards en un jour, jeudi dernier, laissant la société avec un découvert de pratiquement $1 milliard).
Les dépôts totaux de la banque ont explosé lors des 12 derniers mois, passant à $124 milliards contre $62 milliards un an plus tôt selon Bloomberg. Cette hausse spectaculaire était bien plus élevée que les augmentations connues par JPMorgan Chase & Co (+24%) et la First Republic Bank (+36.5%), une autre institution Californienne.
La garantie de dépôt apportée par la FDIC s’élève à $250 000 (en France, la garantie de dépôt s’élève à €100 000). La SVB avait près de 90% des dépôts ($175 milliards) qui étaient supérieurs à ce montant au 31 décembre 2022. Ainsi, la mise sous administration judiciaire mettait en péril un grand nombre de ses clients (startup, fonds de capital-risque,…) incapables de retrouver leurs dépôts et en conséquence de faire face à leurs obligations (paiement de salaires, fournisseurs,…).
La situation comptable de la banque apparaissait comme saine mais sous la surface, les obligations de long terme affichaient des fortes pertes. Ces pertes étaient largement déguisées par les règles comptables concernant les obligations détenues à maturité. Bien que les pertes en valeur de marché étaient de l’ordre de $15 milliards à fin 2022 soit pratiquement leurs fonds propres qui étaient valorisés $16.2 milliards, ces pertes n’apparaissaient pas car selon les règles comptables, les obligations détenues jusqu’à l’échéance (Held to maturity) ne voient pas la variation de leur valeur de marché reflétée dans le compte de résultat, les capitaux propres ou les fonds propres règlementaires.
Avec son conseil, la SVB a alors décidé de vendre le portefeuille d’obligations et en même temps a annoncé un deal sur l’injection de $2.25 milliards de capital pour renforcer ses fonds propres. Plusieurs fonds et hedge funds avaient montré de l’intérêt pour entrer dans le capital de la banque ; c’était jusqu’à ce qu’ils réalisent l’hémorragie des dépôts jeudi dernier, accélérée par la recommandation d’un certain nombre de fonds de capital-risque à leurs sociétés tech de retirer leurs dépôts.
La croissance de la banque était inhabituelle et certainement pas très saine contrairement au discours offensif de son CEO.
Une des questions majeures est celle de la couverture des risques pour la banque. Il est habituel de voir les banques investir en obligations d’Etat. Ce qui est surprenant sur la SVB, c’est que celle-ci n’a pas couvert son risque de hausse des taux. Son risque de sensibilité de taux (duration de plus de 6 ans) était largement au-dessus d’un bilan bancaire régulé.
La SVB, par l’homogénéité de ses clients, aurait dû prendre en compte dans sa gestion des risques la probabilité plus élevée d’un retrait massif simultané de ses clients par rapport à une banque généraliste. On a appris d’ailleurs que la Banque était sans Chief Risk Officer (Patron des Risques) pendant toute l’année 2022.
Afin de faciliter le financement et l’accès au crédit, Trump avait en effet exempté en 2018 les petites et moyennes banques (une trentaine à l’époque) des principales contraintes règlementaires découlant de la loi Dodd-Frank, votée en 2010 suite à la crise financière. Il est probable que sans cet assouplissement, la SVB aurait géré différemment son risque de duration entre ses actifs et son passif.
C’est assez tardivement (à la fin de la première semaine de mars) que l’agence de notation crédit Moody’s a pointé du doigt ces moins-values latentes et alerté sur un risque de dégradation de sa notation crédit sur la banque de potentiellement plusieurs crans.
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