- Auteur : Laplace Date : 27/09/2024 Lecture : 1min.
Plus la réglementation s’étoffe et plus l’incompréhension semble s’instaurer avec les investisseurs finaux. Au cœur du dispositif avec MIF 2, les CGP doivent faire preuve d’un grand sens de la pédagogie. Un exercice d’autant plus délicat que le dispositif n’est pas encore abouti.
L’année 2022 n’a pas été de tout repos sur le plan de la finance durable, entre montée en puissance des suspicions de greenwashing et introduction de la prise en compte des préférences de durabilité des clients pour les distributeurs de placements financiers. Les épargnants peinent à s’y retrouver et les CGP jouent désormais un rôle de premier plan pour expliquer l’investissement durable.
Désormais, la révision de MIF 2 s’applique à tous : les conseillers doivent interroger leurs clients pour savoir s’ils désirent prendre en compte les critères ESG dans leurs placements. Un questionnement que certains prenaient déjà en considération avant l’entrée en vigueur de la réglementation. « C’était déjà le cas avant, mais sans questionnaire formel, souligne François-Xavier Soeur, fondateur du cabinet Terrae Patrimoine. Dans une allocation, je pondère entre une part de fonds très vertueux et une part plus modérée pour améliorer la diversification sectorielle. Cette part vertueuse dépend des préférences ESG du client. L’avantage de ce questionnaire, c’est de donner des proportions, mais il réside encore un certain flou artistique, car les recommandations des autorités de tutelle et des chambres sont arrivées tardivement, ce qui ne nous a pas laissé beaucoup de temps pour nous adapter. »
En principe, ce nouveau questionnaire comprend en effet un formalisme bien précis. « Il s’articule autour de trois axes de durabilité : la proportion de l’investissement que le client souhaite investir dans des activités considérées comme “vertes” au titre de la taxonomie européenne, la part minimale d’investissements durables au sens de l’article 2 (17) du règlement SFDR et les modalités de prise en compte des principales incidences négatives en matière de durabilité (émissions de gaz à effet de serre, ratio de déchets dangereux, exposition aux énergies fossiles, violation des droits humains…) », rappelle Thibaut Mihelich, directeur de l’ESG chez Lazard Frères Gestion.
Cette obligation soulève encore de nombreuses questions. « La réglementation en matière de finance durable est réussie sur au moins un point : tous les acteurs ont pris conscience qu’il fallait prendre en considération les facteurs de durabilité, estime Imame Bousfiha, directeur chez Beam-Sagalink. Vu les circonstances économiques et environnementales, personne ne peut remettre en cause le bien-fondé de la réglementation, mais le package est tellement énorme qu’il est difficile à mettre en œuvre, d’autant que la réglementation a mis la charrue avant les bœufs. Les préférences de durabilité sont entrées en vigueur en août 2022, alors que les exigences de transparence des sociétés de gestion viennent tout juste de s’appliquer, depuis le 1er janvier 2023. Les émetteurs publieront, eux, leurs données brutes plus tard, lors de la mise en œuvre de CSRD. » Prévue pour 2024, celle-ci pourrait être reportée.
Dans un premier temps, la prise en compte des préférences de durabilité devrait se concentrer sur la part d’investissement durable. Les deux autres piliers passent au second plan. En effet, la taxonomie n’est pas encore aboutie et la donnée est difficile d’accès puisque les entreprises ne communiquent pas encore toutes dessus. De plus, elle cible des pans d’activité très limités. « Le degré d’alignement avec la taxonomie est de l’ordre de 2 à 3 % sur les grands indices de marché, indique Olivier Paté, spécialiste produits chez BNP Paribas AM. Nous avons 28 fonds présentant un engagement en matière de taxonomie, qui va de 0,5 à 15 % au maximum. Il faut faire attention aux biais capitalistiques, car dans certains indices, l’alignement repose sur une poignée de valeurs. »
A l’inverse, la prise en compte des PAI ne devrait guère être discriminante. De l’avis de Jean de Collongue, associé chez Beam-Sagalink, « la réglementation n’est pas très contraignante et permet des approches qualitatives » sur cet aspect. Les gérants adoptent une approche globale sur le sujet. « La prise en compte et l’atténuation des PAI passent par de l’exclusion, de l’engagement, du vote ainsi que des critères exigeants sur notre score ESG, détaille Mathieu Omeyer, head of Business Management chez BNP Paribas AM. Notre approche est nécessairement holistique, car si l’on pratiquait des exclusions sur chacun des 16 indicateurs obligatoires, l’univers d’investissement deviendrait très limité. »
Il ne reste donc que la part d’investissement durable pour cibler les besoins du client, une notion qui est propre à chaque société de gestion. « La notion d’investissement durable est un peu en opposition avec les objectifs de SFDR que sont la transparence et la comparabilité, car ici chaque société de gestion fixe sa propre méthodologie », regrette Jean de Collongue. Une liberté qui a ses limites puisque tous les acteurs craignent l’accusation de greenwashing. Les sociétés de gestion ont publié ces éléments l’an dernier dans la documentation précontractuelle de chaque produit. « L’enjeu de cette année va être l’étalonnage des pourcentages de durabilité dans les fonds ainsi que les premiers contrôles du régulateur », souligne Jean de Collongue.
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