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Economie : L’Europe aux urnes, quels enjeux pour l’avenir ?

Comme tous les cinq ans, les citoyens de l’Union européenne (UE) sont appelés les 6-9 juin prochains à élire les membres du Parlement européen.

  • Auteurs : ODDO BHF
  • 21/05/2024
  • Lecture : 5min.

POINTS CLÉS :


  • La dernière législature du Parlement a été marquée par la pandémie et la guerre en Ukraine.


  • L’économie européenne a pris du retard par rapport à sa tendance passée et par rapport à ses rivaux.


  • Etats-Unis et Chine suivent une politique industrielle active qui fait des entorses au libre-échange.


  • Pour réagir, l’Europe doit faire de nouveaux progrès dans l’intégration de ses marchés.


  • Il y a un besoin criant d’investissement en Europe et cela réclame l’union des marchés de capitaux.


Le Parlement partage les compétences législatives avec le Conseil de l’UE (il vote les lois et le budget) et a des pouvoirs de contrôle de la Commission. A la première élection de ce type, en 1979, l’UE qui s’appelait la Communauté Economique Européenne ne comptait que neuf pays. Cette élection était une innovation démocratique. Le taux de participation avait été de 62% en moyenne. 

Puis, à mesure que l’UE s’est agrandie jusqu’à compter 28 membres, l’intérêt des électeurs n’a cessé de décroître pour atteindre un point bas de participation de 43% en 2014. L’Europe venait alors de subir deux récessions en quelques années et de nombreuses crises financières et bancaires. L’UE ne remplissait plus son objectif premier qui est de travailler en vue de la paix et de la prospérité. L’euroscepticisme avait partout le vent en poupe, ce qui aboutirait d’ailleurs deux ans plus tard au vote des Britanniques en faveur du Brexit.

Au moment de la précédente élection en juin 2019, la situation économique et financière s’était améliorée. Le Brexit, loin d’être un modèle à imiter, était apparu comme un facteur de cohésion pour les 27 pays restants. Dans la zone euro, un sous-ensemble de l’UE, la pérennité de la monnaie unique n’était plus contestée grâce à l’action de la BCE sous la conduite de Mario Draghi. Un regain d’optimisme était évident. La participation à l’élection avait rebondi à 51%. Dans les mois suivants, la nouvelle Commission présidée par Ursula von der Leyen affichait de grandes ambitions en matière de neutralité climatique, de transformation numérique et d’influence géopolitique de l’UE.

Cinq ans plus tard, le moins qu’on puisse dire est que l’agenda européen a dû s’adapter pour tenir compte de circonstances exceptionnelles. Deux événements majeurs et imprévisibles sont survenus durant la dernière législature, à savoir la pandémie en mars 2020 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. 

La pandémie a amené un confinement général qui lui-même a provoqué la plus sévère récession de l’histoire moderne. Certes, le rebond d’activité a été rapide et massif dès que les restrictions sanitaires ont été levées mais à ce jour l’économie européenne n’a toujours pas retrouvé sa trajectoire prépandémie. Au début de 2024, le PIB réel est 3.5% inférieur à ce qu’on aurait pu projeter en extrapolant la tendance en 2019. Le niveau des dépenses d’investissement est lui environ 15 points sous sa tendance.

Quant à la guerre en Ukraine, elle a constitué un choc à la fois sectoriel, macroéconomique et géopolitique d’une rare intensité. Plusieurs pays européens, au premier chef l’Allemagne, dépendaient de la Russie pour leur approvisionnement en matières premières, surtout le gaz. En l’absence de substituts immédiats, les prix de l’énergie ont bondi en 2022, amplifiant les tensions inflationnistes associées aux perturbations de la pandémie. L’Europe a donc aussi subi la poussée d’inflation la plus forte depuis les années 1970, entraînant en réaction un resserrement monétaire sans précédent. Désormais, l’inflation est proche de sa cible et la BCE va bientôt commencer à assouplir sa politique, mais la trace du choc sur les prix et sur les conditions de crédit n’est pas effacée. On ne saurait s’étonner qu’une bonne part de l’électorat se tourne à nouveau des partis eurosceptiques. Prospérité et sécurité ne sont pas assurées.

L’UE n’est pas responsable de la pandémie mondiale, ni de la guerre en Ukraine, il va sans dire. Elle a plutôt fait montre d’audace dans la réponse aux chocs. A l’été 2020, les dirigeants européens avaient adopté un « plan de relance » pour un montant avoisinant 6 points de PIB sur plusieurs années. Le but était d’aider les pays les plus faibles sous forme de prêts ou de subventions afin de soutenir la demande de l’ensemble de l’UE et bénéficier à tous ses membres. Cette approche va de soi dans le cadre national mais était sans précédent à l’échelon de l’UE. Ce plan, créé en dehors du cadre budgétaire habituel, a été conçu pour être exceptionnel et en prenant soin d’éviter la mutualisation de dettes. Toutefois, il pourrait servir de modèle si l’UE décidait de mobiliser des moyens financiers proportionnés pour faire face aux défis que sont l’augmentation des capacités de défense, l’investissement technologique et la poursuite de la transition énergétique. Ce sont là trois objectifs qui devraient réunir le plus grand nombre. Qui n’aspirerait à vivre dans un monde plus sûr, plus innovant et moins polluant ? 

Simultanément, le reste du monde n’est pas resté passif face à ces enjeux. Sous des formes différentes, les Etats-Unis et la Chine, par ailleurs rivaux, mènent chacun une politique industrielle visant à subventionner des secteurs d’avenir, de l’IA aux véhicules électriques. Il n’y a rien de comparable en masse dans l’UE, en partie parce que bien souvent chaque pays cherche à faire prévaloir ses intérêts nationaux au détriment de l’intérêt commun. 

Que faire ? Ce n’est pas la réflexion qui manque pour tenter de remédier aux insuffisances de l’UE. Il est bien connu que le marché unique est incomplet dans le domaine financier. Dans un rapport paru en avril, Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, prône de faire avancer l’union des marchés de capitaux afin d’améliorer l’allocation du capital et favoriser l’investissement. Pour aider à « européaniser » les entreprises et leur faire bénéficier d’économies d’échelle, il propose aussi de créer un code des affaires européen pouvant se substituer aux 27 déjà existants, un dans chaque pays. D’ici quelques semaines, Mario Draghi, ancien président de la BCE, doit aussi rendre ses propositions pour améliorer la compétitivité. Ses premières réflexions insistent sur la nécessité de réduire la fragmentation qui handicape de nombreux secteurs, de la défense aux télécommunications, en passant par la recherche et les chaînes d’approvisionnement.


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